Les clichés
Je rentre à treize heures à mon
appartement au troisième étage, essouflée. Je prends mon déjeuner,
je fais ma prière, et quand c'est le moment de faire ma petite
sieste quotidienne (qui ne dépasse pas les trente minutes) je me
retrouve de nouveau en route vers l'hôpital, pour assister , comme
tout vendredi au staff multidisciplinaire entre nous: les
fondamentalistes et eux ..euuh.. plutôt elles: les cliniciennes.
un staff qui dure au moins deux heures,
auquel assistent une quinzaine de femmes et un seul homme, mon chef de
service.
Loin d'être sexiste, mais quand le
lieu de travail est dominé par les femmes, (et pas n'importe
lesquelles.. les femmes “émancipées”) cela me gène. Je sais,
par expérience, que quand l'ambiance est purement féminine, il y a
toujours une sorte de tension ou de jalousie masquée, une espèce de
jovialité et de complaisance hypocrites.
Mon professeur présentait un petit
cours sur les maladies héréditaires et les différents modes de
transmission. Elle prend comme exemple la myopathie de Duchenne , et explique le risque pour qu'un père atteint transmette la maladie à
sa descendance. C'était un exemple mal approprié, puisque cette
maladie entraine une paralysie dès le jeune âge, et que l'espérance
de vie ne dépasse pas les vingt-cinq ans, c'est à dire que les
sujets atteints n'auront pas le temps ni pour se marier ni pour avoir
des enfants..
Une médecin de l'autre “camp”,
l'interrompt pour lui faire la remarque, puis, d'un ton sarcastique,
continue: “ mais bon, avec ce nouveau gouvernement islamiste, le
mariage à dix ans sera bientôt légalisé aussi bien pour les filles que
pour les garçons, et on aura l'occasion de voir cette
transmission..”
Je la regardais, d'un air un peu
irrité, lorsqu'elle se retourna brusquement, comme si elle
voulait voir la réaction de la seule femme voilée présente dans
cette réunion: Moi!
Elle me sourit malicieusement en
disant : “Sans rancune!”
J'étais surprise et assez dégoûtée.
Mais j'ai quand même souri, d'un sourire nerveux, crispé. J'avoue
que je l'ai regretté, c'était idiot.
Je n'avais rien à dire, et de toute
façon, je n'avais pas le temps pour rétorquer.
Je me rappelle juste de la première
phrase qui m'est venue à l'esprit (et là j'en ris) : “tu me vois
comme un couscous?”
Oui, je déteste les clichés!
J'ai essayé d'analyser ses mots, son
regard, son ton, et les idées qui se cachaient derrière.
Elle me considère comme une
représentante du régime “islamiste” qui applique sa vision
tordue (à elle) de l'islam.
Niaiserie!
Les clichés, on en a beaucoup en
Tunisie.
Chaque jour je me rends compte des
dégâts qu'ont laissés les anciens régimes. Combien de préjugés,
combien d'idées erronées préconçues vis-à-vis de l'islam, aveuglemnt adoptées.. Combien de stigmatisation, de marginalisation, combien de.. clichés!
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