Dix ans déjà ...


C'était au mois de novembre 2002, je ne me rappelle plus de la date exacte. Je me souviens seulement que c'était la première semaine du mois de Ramadan. 


Le coeur battant la chamade, je sors à quatorze heures pour assister à une séance de sciences naturelles. J'étais anxieuse, inquiète. J'appréhendais mon entrée en classe dans cet état là. Je ne le nie pas, j'étais très embarrassée.

Pour m'en sortir, je n'avais qu'une seule solution : répéter le Douâa que je venais d'apprendre : "Ô Allah Qui tourne et retourne les coeurs, enracine mon coeur dans Ta religion".
 (يا مقلب القلوب ثبت قلبي على دينك)
Je marche discrètement dans la cour, cherchant ma copine qui, comme moi, était angoissée. 

L'histoire a commencé bien avant, en 1998, au mois de Ramadan également, quand j'avais lu, pour la première fois, le Coran en entier. Je ne comprenais pas beaucoup de passages, mais je me rappelle que quand je suis arrivée à ce verset là, je l'ai trouvé vraiment d'une clarté éblouissante : « Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines… »  Sourate Annour ; verset 31
 (وَقُلْ لِلْمُؤْمِنَاتِ يَغْضُضْنَ مِنْ أَبْصَارِهِنَّ وَيَحْفَظْنَ فُرُوجَهُنَّ وَلَا يُبْدِينَ زِينَتَهُنَّ إِلَّا مَا ظَهَرَ مِنْهَا وَلْيَضْرِبْنَ بِخُمُرِهِنَّ عَلَى جُيُوبِهِنَ )
سورة النّور، الآية 31

Ce jour là, je me suis simplement dit: "incha Allah je le porterai un jour!". J'avais l'esprit un peu léger, je l'admets.


Les années passent sans que j'y réfléchisse trop. Mais voilà qu'un soir, mon frère me passe discrètement un CD intitulé "Les moeurs" (الأخلاق) du fameux Amr Khaled, et il y avait une leçon sur la pudeur (الحياء). Je l'écoute attentivement. Il parlait du voile. 
Ce n'était pas son énumération des preuves de la nécéssité du port du Hijab dans le Coran et le Hadith qui m'a spécialement marquée, j'en connaissais certaines, et fait important: j'en étais déjà convaincue. Mais il transmettait d'une précision inouïe les monologues que moi et beaucoup d'autres femmes se répétaient; les préjugés, les craintes et les contraintes, les excuses, et surtout la procrastination. 


J'ai porté un foulard noir, je voulais éviter les couleurs pour qu'on ne puisse pas me distinguer dans la foule. Tout se passe bien. Je rentre saine et sauve chez moi. Le lendemain, ou deux jours après (je ne sais plus), me voilà "arrêtée et interpellée" par le surveillant général. J'enlève mon voile au lycée, et je rentre chez moi, cette fois-ci frustrée. 


Le weekend, je vais chez ma tante, en me voyant avec ce nouvel accoutrement elle me dit: "T'es Bachelière, tu ne veux pas bousiller ta vie. Ecoute-moi ma petite, tu vis dans un pays où la liberté n'est qu'illusion. Tu ne sais pas à quel point nous avons souffert moi et mon mari quand nous étions au début de notre carrière.. Tu ne peux pas imaginer le mal qu'on pourrait te faire endurer. Dieu te pardonnera... Alors, tu l'enlèveras! Tu me promets ?" 

J'ai hoché ma tête silencieusement ... en répétant le même Douâa. 


Chaque jour, c'était un nouveau défi. je m'efforçais de résister, de porter n'importe quel truc qui permettait de couvrir ma tête sans qu'on me remarque. Les regards insistants, les commentaires, les avertissements et parfois même les railleries me gênaient. Ce n'était pas du tout agréable, certainement, mais au fond de moi, je me sentais forte, en paix.


 Il m'a fallu beaucoup de temps pour m'habituer à mon "nouveau statut" et me débarrasser de certaines vieilles habitudes, et encore plus de temps pour rendre mon voile plus rigoureux. 


J'ai réussi mon bac, première du lycée, et j'ai reçu le prix du maire de ma ville. Il n'était pas très content de me voir, mais ce jour là, j'ai senti la gloire; j'ai osé assister la tête voilée. J'en suis sincèrement fière, c'était ma meilleure revanche, mon ultime victoire ...


A la faculté, c'était le stress continu et la galère. J'étais, presque quotidiennement, interpellée par les deux policiers que je recontrais au "check point". C'était le pire moment de la journée. (je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit auparavant. J'en ai déjà parlé dans deux notes précédentes).  
Maman était la personne qui m'a encouragée le plus, malgré sa peur. Elle aussi, avait été une fois arrêtée au centre de police et forcée à enlever son voile. Je me souviens de ses mots simples mais puissants: " Résiste de toute ta force. Ce que tu fais, est un vrai Djihad".

Dix ans sont passés, et me voilà encore voilée, aux droits, cette fois-ci, non violés. Je ne cesserai pas de le répéter : 

يا مقلب القلوب ثبت قلبي على دينك

الحمد للّه




C'est un peu hors sujet, mais j'ai beaucoup aimé :) (Source)

CONVERSATION

2 commentaires:

  1. Salam Alaykom

    ça me renvoit à la première fois où je me suis voilée. Je vivais également en Tunisie, et juste après, je voulais m'inscrire pour faire mes études supérieures.
    La secrétaire m'a regardé en me disant : "vous êtes française? vous avez pas besoin de ça sur la tête. de toutes façon, faudra l'enlever pour faire vos études, ici."
    Je l'ai regardé et j'ai répondu : 'alors je laisse les études, car "ça" ça a plus de valeurs que votre diplôme.'

    Hamdoulilleh :)
    Dieu nous raffermi!!

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  2. wa Alaykom Assalam

    Ameeeen !

    je suis en train d'imaginer la scène -__-'

    Al Hamdou lilleh :)

    Merci pour ton passage, j'espère que tu vas bien ^_^

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